Cours Langlet, je rencontrai une petite friande
Cours Langlet, je rencontrai une petite friande. Très friande. Je quittai la Cathédrale, je laissai à son triste sort la pucelle sur son fier destrier, à jamais scellée sur le marbre avec son air de je-ne-sais-quoi qui m’irritait et qui ne m’inspirait guère de pensée heureuse à son sujet. Il faut avouer aussi que la bergère m’en avait sévèrement fait baver à l’époque où l’on portait encore ces affreux tricots de peau synthétiques bleu pétrole. Sacrée Jeanne ! Combien de lignes avais-je pissées à cause d’elle, parce que je m’entêtais à ne pas vouloir croire un traître mot au sujet de soi-disant paroles divines qu’elle aurait entendues alors qu’elle venait très certainement de fumer, une fois n’est pas coutume, le fourrage qu’elle offrait chaque soir à déguster aux biquettes qu’elle gardait ? Combien d’enguirlandages parce que je refusais d’adhérer à l’Histoire (avec un grand H, pardi !) qui dit que la simple gardienne de bestiaux devint commandante en chef de l’armée française du temps jadis où il n’y avait pas encore l’électricité et l’Internet, une époque où, c’est bien connu, la meuf était considérée, honorée, respectée pour ce qu’elle était ?... Oui, la jouvencelle m’a souvent agacé et malgré moi, ce jour-là, je lui en tins encore rigueur.
Je lui tournai donc le dos et m’engageai le long du Cours Langlet, où je rencontrai une petite friande. Ah, le beau brin de donzelle ! Non, je ne parle pas de celle de Donrémy, celle-ci, je vous le dit, je le répète, je m’en tape comme de l’an 1431, où elle fut brûlée vive sur la place du marché de Rouen – Paix à son âme et à ses admirateurs ! Non, je vous parle d’une tentatrice, d’une dragueuse, d’une charmeuse de serpent d’oiseau déplumé, d’une belle pépette que je dégotai à l’angle du cours susnommé et de la rue des Elus. La rue de l’Elue aurait été plus à propos, car l’élue se tenait là, discrète mais éclatante dans sa robe blanche, surmontée d’une touche d’or et de quelques notes bien choisies de couleurs franches et suaves. Raffinée, généreuse, souriante, aimable, on avait envie de la couvrir de baiser, d’y coller ses lèvres et de lécher la vitrine jusqu’à en traverser le verre pour atteindre ces délices qui s’offrait aux regards avides. Oui, la Petite Friande, fière échoppe bien connue des rémoises et des rémois, m’ouvrait ses portes !
A l’intérieur, je ne savais où donner de la tête. J’avais bien parcouru le site de la maison, pour me préparer au choc(olat ?), je ne savais pourtant plus ce que j’y venais chercher. Il me fallut l’assistance de quelque sympathique vendeuse pour me remettre de mes émotions et pour faire mon choix. Parce que j’étais à Reims, cela va de soi, j’achetais d’abord un sachet de biscuits roses, spécialité de la ville, dans l’idée de réaliser une charlotte pour les fêtes de Pâques (chose faite et qui fut fort bonne). Je reculai encore le moment de regarder plus en détail les chocolats et je pris un beau morceau de ce nougat tendre au caramel et aux amandes, une merveille de douceur, qui pire qu’un piège à mouche m’attira indéniablement. Enfin, je me retournai et découvris...
Non, décidément, il me fut impossible encore de regarder les bijoux délicatement déposés au fond de la vitrine qui parcourt la boutique tout du long. Je revins vers l’entrée, prêt à fuir, à renoncer, mais le vice qui est le mien, la gourmandise, cette vilaine gourmandise me retint contré mon gré (Oh, l’faux derche !). Je trouvai une parade et j’allai donc admirer ces petites boîtes qui renferment, autre spécialité de la région, les célèbres Bouchons au marc de Champagne et les Bulles à la Fine (de Champagne). J’en fis remplir mon panier, qui s’alourdissait peu à peu.
Et puis, n’y tenant plus, je collai enfin mon nez à la vitrine. Mon Dieu, quelle splendeur ! Quelle excellence ! Quelle oeuvre ! Quel panache… ces ganaches ! Je l’aurais léchée s’il n’y avait eu mes ziozios piaffant (eux aussi) d’impatience à mes pieds. Oui, j’avais là sous les yeux (des dizaines ? des centaines ? peu importe !) une tonne de petites douceurs plus tentantes les unes que les autres. Heureusement, ma belle oiselle, ma raison, me rappela à la réalité et, bien sage (ou presque), je reparti le sachet bourré à craquer. A craquer, c’est le mot, il ne tint pas deux minutes !
En quittant la boutique, je me régalai vite et bien, car la ganache n’attend pas ; ç’aurait été prendre un risque inconsidéré de contracter une intoxication (et qui faisait bien mon affaire !). Je me régalai donc et courus derechef à la cathédrale poser mon arrière-train sur le socle de marbre de la Jeanne, pour la narguer, me venger de tout ce que la garcette m’avait fait endurer.
Si la bergère ne cilla pas, j’aurai juré que la fougueuse monture (La pauvre bête, rien qu’à voir sa gueule terrifiée, folle, on la prendrait presque en pitié de devoir supporter un tel fardeau depuis temps d’années !), j’aurai juré, disais-je, voir les narines du cheval frémir au doux parfum de ces quelques friandes friandises. Mordicus !
Et vous ? Laquelle prendriez-vous ? Une ganache pure Vénézuela aux piments d’Espelette (Espelette) ? Une ganache au fruit de la passion (Jaspe) ? Une ganache fruitée sur coulis de fraise (Finesse) ? Une ganache au marc de Champagne (Millésime) ? Une ganache de noisettes (Ecureuil) ? Un praliné aux graines de sésame (Trésor) ? Une pâte d’amandes nature (Palma) ? Une pâte d’amandes et pistache (Pistra) ?... Z’hésitez, hein ?
Aller, je vous laisse à votre rêverie. A très bientôt,
P.S. : Et merci, Cousine, Cousin, et merci, Tatamail, Tontonchamp' pour l'accueil, pour le champ' qu'on a bu en vot'nom !
Un peu de tourisme ?
>Si vous souhaitez déguster un chocolat ou du nougat à la Petite Friande, si vous souhaitez écumer les caves de Champagne, je vous invite à découvrir le temps d'un week-end une très belle chambre d'hôtes à quelques kilomètres au nord de Reims, la Closeries des Sacres, qui offre trois chambres d'hôtes (dont une suite familiale de 80 m²) dans un lieu, je vous avoue, particulièrement exceptionnel, une vieille bâtisse intégralement réaménagée (et avec goût !) au cœur de Lavannes, petit village en rase campagne. Petite anecdote, les lits sont si grands, si larges (200 cm x 200 cm) que j'ai du marcher, oh, quoi, un bon kilomètre avant d'aller embrasser ma Tendre pour lui souhaiter une bonne nuit. Huhu ! ;-)