Comment que le gars il a trop bien écrit ce que j'avais sur le cœur ! Il est fort, le Malzieu, il est trop fort. Et pis tant pis, je lui demande pas son avis, je vous retranscris ses (si beaux et si poétiques) mots, des mots qui trouveront en vous, je l'espère, l'écho qu'ils ont trouver en moi ce soir dans le train, entre Choisy et Juvisy. Ils y résonnent encore...
« Elle était un peu sorcière pour faire à manger. Elle avait ses recettes, qu'elle ne voulait révéler à personne. Sa cuisine était son atelier, son antre à parfums et fumées. Elle faisait monter les œufs à la neige avec un coup de poignet souple comme un roulement de tambour. Pour les crêpes, elle ressemblait à un Dj, jonglant avec les plaques chauffantes et les poêles comme si elle passait des disques – à croire qu'elle cuisinait des disques mangeables, ou des crêpes écoutables dans mon vieux mange-disque orange. Elles étaient bonnes, ses crêpes, elles sonnaient « crrrépitissssima » tout craquait ! splashaient l'huile et les pincées ! De la neige ! Elle cuisinait avec de la neige, j'en suis sûr, elle faisait cuire la neige, elle montait les œufs en neige, elle fabriquait ses œufs, elle y logeait ses secrets. Elle y logeait l'histoire de sa vie. Danse de couvercles. Les plats claquent, clic-clac ! Les plaques ! La petite minuterie en plastique bat comme une cœur ! Elle y mettait du piment, « du sien » comme on dit. Elle tordait les boutons de la cuisinière, montait le son, mélangeait, faisait des expériences. Elle cassait un œuf et se lançait dans une préparation, même d'une petite chose simple à manger, c'est parti, la voilà, en chœur dans sa cuisine, elle fait chanter son orchestre à gourmandises, elle chante.
Tu criais parce que tu renversais des choses, que tu te coupais, ou que tu te brûlais, toujours le même doigt. Ça chauffait tellement qu'on aurait dit que tu faisais cuire la maison entière pour nous la servir toute parfumée. Même avec une armée de tourne-disques branchés en stéréo , je n'arrive pas à reproduire le monstrueux son de craquement-cuisson que tu orchestrais dans ta cuisine. Les louches timbales et les cuillères-glockenspiel sur les assiettes, et les condiments, en pincées maracas ! tes tchic-tchic ! ton Espagne dans les plats ! Elle se danse ta cuisine, faites du bruit, je veux entendre encore.
[...]
Tu savais tellement bien l'accorder à la nuit tombante ton orchestre à gourmandises. Pâte à crêpes alto, barytones-belle Hélène... Est-ce que tu sais encore, dis ?»
Extrait de Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi de Mathias Malzieu (éd. Flammarion, p.91-93)
Je crois qu'il n'y a plus qu'à le lire de A à Z, vous croyez pas ?
A bientôt,
P.S. : Just a little precision. Le roman de Mathias Malzieu (chanteur du génialissime groupe Dionysos) n'est pas un roman "culinaire". Si vous entreprenez sa lecture, accrochez solidement votre cœur dans son habitacle si vous ne voulez pas le retrouver au fond de vos chaussettes, parce que... OUCH ! c'est dur parfois. Mais mais mais, 'tention, comme je vous l'ai dit il est trop beau, trop beau, trop beau, avec son tout plein de poésie et tout ça. Je le conseille vivement. Seulement, vous plaindez pas après, vous aurez été préviendu. C'est tout !