mardi 20 septembre 2011
mercredi 4 mars 2009
Du sakana au Sa.Qua.Na et pas que !
Le Michmich’ *, c’est en plein dans l’actu ! Ce sera l’occaz’ de vous faire part de mes premières impressions. Premières impressions du premier restaurant primo-étoilé de ma courte existence. Oui bon, pas si courte que ça, c’est que la voilà bien entamée, c’est que les 35 – trente-cinq – pointeront le bout de leur nez au cœur de l’été, c’est que… 35 ! Bordel ! Tout de même !... ’Fin, j’sais, vous vous en foutez, alors passons...

Honfleur, 1er janvier 2009. Ciel d'azur virant azote liquide. Un temps à surgeler en vol. Le thermobidule accroché à la fenêtre du nid douillet que j'ai dégoté pour nous-rien-que-nous-deux indique -8°C. Et à l'abri encore. Brrr !... Faut être fou (de bassan) pour mettre son bec dehors. Mais que voulez-vous, l'amour – Ah, l'amûûûr ! –, ça vous fait pousser des ailes, alors en deux trois petits pas chassés semi-latéraux, genre deux pies qui s'débinent avec un air Pat’hibulaire, vous voyez l'tableau, nous filons nous attabler chez Alexandre Bourdas, au Sa.Qua.Na, petite place gourmande au centre d’une place gourmande de cette à peine plus vaste place gourmande et normande.
« OMG! » ** Voilà, je crois bien, ce que je me suis exprimé à chaque service des quelques huit plats et autres petits amuse-bec dégustés lors de cette délicieuse soirée. Car le père Bourdas est doué. Et pour commencer, au menu unique du jour, vert Olive...
* Le Guide Michelin
** « Oh, My God ! »
la pascade
Une pascade Aveyronnaise à l’huile de truffe
Histoire de démarrer en douceur, sans brutaliser, une pascade réalisée dans la (presque) plus pure tradition aveyronnaise à se partager à deux-yeux-dans-les-yeux. Avec ces quelques fins cristaux de fleur de sel et de sucre parsemés comme de rien, arrosé d’un filet d’huile de truffe, je fonds comme cette crêpe fond dans ma bouche. C’est très agréable, léger sous la dent et l’eau de coing du Rouergue que je bois avec s’accorde comme un pianiste à son piano.
le cabillaud
Cabillaud poché au citron vert, feuille de livèche & coriandre,
un bouillon clair à la noix de coco & huile de Combava

Le clou du spectacle ?! déjà ?!... Lorsque l’on dépose devant nous ces bols en pierre noire de Corée, je comprends que le moment va être grandiose, peut-être le plus fort de la soirée. Je suis presque déçu, sur le coup, que cela arrive si tôt dans le déroulement des festivités, car voilà bien le plat de Bourdas dont je me gorgerais encore et encore. Au fond du bol, sur un lit de livèche (céleri) et de coriandre fraîche, un morceau de cabillaud, parsemé de zestes de citron vert râpés et d’un mélange de poudre d’épices, tout juste poché et à la cuisson absolument parfaite, autour duquel l’on verse un bouillon encore fumant qui exhale des parfums de noix de coco et de cet huile de combava que je découvre ce soir. Rien de très compliqué, vous voyez, juste ce qu’il faut là où il faut : des Saveurs d’une Qualité irréprochable qui, sans artifice aucun, nous rappelle parfois comme la Nature est bien faite. Sa.Qua.Na. Saveurs, Qualité, Nature. C’est équilibré comme un funambule sur son fil.
la daurade
Un filet de daurade étuvée, rétiche & navets,
vinaigrette au beurre noisette, kabossu – cardamome

J’ai à peine le temps de me remettre du cabillaud archi-fondant, que l’on apporte un morceau de daurade cuit à l’étuvée. Une fois de plus, cuisson parfaite. Avec cela, de fines tranches de navets, blanches et douces comme un Demak’Up, et pourtant je ne suis pas un adepte des navets. Et cette vinaigrette : incroyable ! Peut-être un rien trop sage pour qui aime que la vinaigrette fouette le palais. Mais pour cela, il faut compter sur le talent du chef-cuistot Bourdas, qui additionne le kabossu à la cardamome pour donner la petite claque palatale tant attendue. Et quelle maîtrise de l’équilibre, quelle finesse dans l’assiette ! C’est assez jouissif, je l’avoue. Et si l’on ajoute par-dessus cela une petite gourmandise joliment vinifiée, un Montlouis-sur-Loire sec de Jacky Blot, moi, j’applaudis des deux mains.
les coques
Des pommes de terres "Coufides" au gras,
quelques coques du Cotentin - jus de poulet rôti & persil

Nous nous éloignons petit à petit de la côte et pénétrons plus à l’intérieur des terres. Grâce aux coques, la mer n’est pas très loin encore. En deux ou trois coups d’aile (de poulet... rôti), nous survolerions la Manche. Bourdas se refuse à briser d’un cul sec le cordon lombilical (Mon dieu, Pat’, sors de ce corps !) qui le rattache au littoral. De facture plus classique, ce plat satisfait pleinement une fois encore notre gourmandise. Je redécouvre la saveur oubliée chez moi des coques. Cette pomme de terre confite se laisserait presque manger comme un bonbon... sans risque de carie aucune ! J’aurais dû prendre une photo d’après dégustation, j’ai outrageusement saucé mon assiette avec le pain maison à la mie tendre et à la croûte craquante à souhait, jusqu’à faire disparaître la moindre trace de ce jus de poulet rôti.
Le caneton
la poitrine de Caneton rôti, condiments coing,
cerfeuil tubéreux, jus et bouillon rance juste moussé

Bienvenue à la ferme ! Canards et pigeons ont remplacés cormorans et mouettes rieuses. L’on entendrait presque japper le chien de chasse devant la porte, chanter le coq sur le tas de fumier, meugler la vache à lait dans l’étable qui appelle à la traîte, tellement que ce plat-là est bon ! Nous ne sommes plus en 2009, mais un siècle plus tôt : caneton – pour un jour de fête – et légumes tubéreux, jus de jambon et compotée aigre-douce de coing. Décidément, Bourdas excelle dans la justesse de ses cuissons. Et puisque ma délicieuse bouteille de Montlouis coule depuis un petit moment déjà dans mes veines (Jacky ! Jacky Blot ! Si tu m’entends, si tu me lis – Bah quoi ?! On peut rêver, nan ? –, je t’en prie, dis-moi où je peux dégoter quelques unes de tes bouteilles, Grand Dieu !), je m’offre un grand verre (format XXL à ras bord, tout de même ; l’on voulait vraiment que je rentre fin ivre, faut croire) de Bordeaux. Fabuleux, of course !… avec le caneton et tout ça...
le plateau de fromages
sélection de Fromages Normands & Aveyronnais
« Pause » frometon. C’est que je n’en puis déjà plus, mais peu importe, le plateau est magnifique et je dévore à la fourchette un petit morceau de chaque... avec le verre de Bordeaux... Plaisir, plaisir...
Pruneaux à l’armagnac, mousse légère, sablé& breton au café & yuzu

C’est à ce moment là que je me suis dit que j’étais rien qu’un vicieux gourmand. Je n’aurais peut-être pas dû manger tout ce pain. Mais que voulez-vous : pain frais et beurre de baratte cru demi-sel, telle est ma madeleine de Proust. Bref, l’on m’apporte ce ludique « yuzu ». J’admire et je goûte. Une vague de sucre et de saveurs déferle dans ma bouche. C’est délicieux, c’est certain, toutefois bien trop sucré à ce moment précis du repas : avec des pruneaux, quelque part, on ne saurait moins l’être. Rien de désagréable, entendez bien, mais je ne suis pas moi-même un adepte de la petite prune séchée. J’apprécie l’impeccable croquant du sablé sous la couche humide des pruneaux macérés, la légèreté de la mousse et l’association subtile pruneau/armagnac/yuzu.
la truffe Mélanosporum
Une feuille de nougatine cacao, chocolat blanc
et truffe « Mélanosporum », crème de châtaignes grillées

La revoilà : la truffe ! Mais nous en sommes bien aux desserts, n'est-ce pas ?!... La truffe ouvre et ferme le bal. La boucle est bouclée. Elle vous rappelle qu’il est bientôt l’heure de partir… ou d’y revenir de si tôt. C’est qu’il est malin Alexandre Bourdas. J’aime cet effet miroir truffé-sucré-salé. Encore ici un très bel exemple d’équilibre.
...pour finir et pour grignoter
la mandarine, le café & le matcha
Mousse à l’huile d’olive & pamplemousse – biscuit brûlé – Mandarine de Mikan
Un Sorbet ananas, croquants noisettes & chantilly à l’eau
Un pain de gênes au Matcha – crème passion & confiture de groseilles

Peut-être parce que j’étais rassasié, c’est de loin la partie la moins intéressante de la soirée. J’oublie la mousse à l’huile d’olive et pamplemousse qui ne me convainc pas le moins du monde, je constate amèrement que le biscuit n’a précisément de goût que le brûlé de son intitulé, je me dis que la mandarine de Mikan n’a de beau que le nom et que la seule chose appréciable, renseignements pris, est que cette mandarine est traditionnellement servie en Europe au moment des festivités de fin d’année. Pile-plume dans l’mille ! Par contre, par contre !... Par contre, le sorbet ananas est une véritable merveille et, une fois n’est pas coutume, je ne cours pas après le nana nana. La chantilly à l’eau qui l’accompagne est assez sidérante. Je retiendrais encore le bel effort de ce pain de gênes au thé matcha (un peu sec, je trouve), et le petit clin d’œil final de la crème passion.
Voilà, je crois que j’ai tout dit. Ah non, quelques infos encore et je file au dodo pendant que vous, vous filez illico presto au resto !...
22 place Hamelin 14600 Honfleur
Téléphone : +33 (0)2.31.89.40.80
Courriel : saquana(at)alexandre-bourdas(point)com
Important : Les réservations ne sont prises et enregistrées que par téléphone.
Ouvert tous les soirs du vendredi au mardi plus les déjeuners du week-end.
Fermeture hebdomadaire : mercredi & jeudi
http://www.alexandre-bourdas.com/saquana/index.htm
Bon appétit,
samedi 14 février 2009
Foie gras, pomme et gingembre
(Laurent Brébion, La Tour des Sens, Tencin)
Sur les hauts de Tencin, comme une citadelle, La Tour des Sens de Florence et Laurent Brébion domine la vallée de Grésivaudan. Il y a bien un an, j’ai eu l’occasion d’y être invité à déjeuner entre deux coups de feu. Une belle surprise qu’on m’offrait là. En plus de la vue magnifique sur le Dôme de Bellefond enneigé et gorgé de soleil, j’ai pu apprécier la cuisine imaginative et joliment mise en scène de Laurent Brébion. Laurent n’est pas cuistot. Au départ en tout cas il ne l’est pas plus que je ne le suis. Non, Laurent Brébion, ingénieur de formation, a appris la cuisine et cuisine par passion. Ses maîtres mots : « transmettre du plaisir », « fournir du plaisir »... et quel plaisir ! En janvier 2003, il saute le pas : il largue son ordinateur et se met au piano ; le voici chef et heureux propriétaire du restaurant Le Terroir à Villars-de-Lans. En juin 2005, une nouvelle aventure commence : Florence en salle, Laurent en cuisine et une jeune équipe surmotivée prennent d’assaut la forteresse tencinoise pour en faire l’une des tables les plus généreuses et heureuses de la grande périphérie grenobloise. Voilà une gourmande (et courageuse) reconversion, qui mérite d’être soulignée, non ?
Et dans l’assiette, me direz-vous ? La rigueur et le soin, l’amour du travail bien fait : des produits de saison issus pour beaucoup de productions locales ; trois ou quatre saveurs, pas de décoration superflue, le gourmet doit savoir goûter et apprécier l’équilibre des mélanges ; un rapport qualité/prix des plus décents.
Lors de mon passage à La Tour des Sens, j’ai eu le plaisir de manger un foie gras mi-cuit – parfaitement mi-cuit, comme je l’aime. Fondant, avec juste ce qu’il faut de sel et de poivre, ni trop ni trop peu, très savoureux. Et pour cause !... La carte annonce : « Foie gras, pomme et gingembre ». Une idée simple, à la base, mais qui demande un soin particulier à la recherche du bon équilibre des arômes. Un pari risqué, car il ne faut pas que la pomme et le gingembre écrasent le foie gras. Après ma dégustation – heureuse dégustation ! –, j’avais été très tenté de reproduire cette recette. Pas culotté, le Tit’, z’allez voir, je prends contact avec Laurent et lui parle du beau moment que j’ai passé à La Tour. Et voilà deux passionnés qui se mettent à bavasser par mails, bibi culpabilisant un peu d’arracher Laurent à sa cuisine et de lui soutirer la recette de ce si délicieux foie gras... Car, oui, Laurent, ravi de me voir ravi, me confie sa recette sans hésitation et aussitôt dit aussitôt fait (mouif, m’enfin là, faudrait que j’arrête de vous baratiner, j’ai bien attendu un an avant de me lancer, fainéant comme je suis, hein !...), je me suis attelé à la tâche.
Certes, ma présentation laissait un peu à désirer, j'avais passé quelques étapes, mais l’essentiel était de retrouver le plaisir que j’avais eu à déguster ce foie gras. Avec un foie de qualité et une cuisson pileplume comme il faut, je vous garantis un moment de pure gourmandise : le foie gras ainsi fait se déguste... comme un bonbon !

Foie gras, pomme et gingembre
(d’après la recette de Laurent Brébion)
Ingrédient (pour 8 personnes)
1 lobe de foie gras d’oie extra de 500 g environ sympathiquement dénervé par votre boucher ; 20 g de gingembre frais ; 2 cl de muscat ; 3 pommes (golden) ; 5 g de sel ; poivre gris
Terrine de foie gras mi-cuit (J-3 et J-2)
J-3. Sortez le foie gras du réfrigérateur et laissez-le à température ambiante quelques instants pour qu’il ramollisse et soit plus facile à manipuler. Assaisonnez les lobes avec le sel, le poivre, 10 g de gingembre frais finement râpé (j’utilise une râpe spéciale pour gingembre) et arrosez avec le muscat. Placez le foie gras avec sa marinade dans une terrine et recouvrez d’un film alimentaire. Réservez au réfrigérateur pendant 24h.
J-2. Sortez le foie mariné du réfrigérateur. Préchauffez le four à 100°C (80°C pour un four à chaleur tournante). Retirez le film alimentaire, couvrez la terrine et mettez à cuire au bain marie pendant 1h (j’ai cuit mon foie gras au bain-marie en contrôlant la température avec un thermomètre sonde ; j’ai arrêté la cuisson lorsque la chaleur du foie à atteint les 65°C, après environ 1h20 de cuisson, dans un four réglé sur 80°C). A la sortie du four, compressez délicatement le foie gras cuit pour éliminer la graisse, puis placez la terrine directement au réfrigérateur, recouverte d’un film alimentaire. Placez un poids de la largeur de la terrine sur le dessus pour exercer une légère pression sur le foie. Réservez ainsi au frais 1 jour ou 2 avant dégustation, pour permettre aux parfums de se développer.
A noter : Vous pouvez conserver votre foie gras ainsi de 4 à 7 jours à l’abri de l’air. Attention ! Si vous faites dénerver votre foie gras par votre boucher, vous devez le cuire aussitôt pour éviter toute oxydation.
Compote de pomme au gingembre (Jour J)
Epluchez deux pommes, coupez-les en morceaux et faites-les cuire à couvert sur feux doux en compote. Ajoutez 10 g de gingembre finement râpé. Mixez la compote jusqu’à l’obtention d’une préparation lisse et homogène.
Conseil du chef : « Si [la compote] est trop liquide, faites-la réduire à feu doux afin que le liquide superflu s’évapore. »
Pommes séchées (Jour J)
Comme l’écrit Laurent : « Pour cette partie, la possession d’une mandoline ou d’une petite trancheuse à jambon électrique est indispensable ». Ah ! Cela commence mal... Vous comprenez alors la grossièreté de ma pomme séchée sur les photos. :)
Préchauffez le four à 100°C. Lavez et séchez soigneusement la pomme restante. Sans l’éplucher, découpez des lamelles dans le sens de la hauteur, de façon à obtenir les tranches les plus fines possibles. Placez les tranches de pommes sur une feuille de papier sulfurisée et enfournez pendant 2h. Les tranches de pommes doivent être craquantes comme des chips en fin de cuisson.
Dressage
Sortez le foie gras du réfrigérateur. Taillez en cubes et décorez avec les tranches de pommes séchées (Laurent réalise une sorte de mille-feuilles à l’horizontal, que je n’ai pas eu le temps de faire – les ziozios criaient famine – du plus bel effet). Mettre un trait de compote dans l’assiette (et pas un tas, comme chez moi ! :) ) et servez aussitôt.
La Tour des Sens
Florence & Laurent Brébion
Restaurant La Tour Des Sens
La Tour - Route de Theys
38570 TENCIN
Tél./Fax. : 04 76 04 79 67
http://www.latourdessens.fr/
A très bientôt,