Vol 93, un film de Paul Greengrass, A VOIR IMPERATIVEMENT !
Il est tard quand je commence à écrire ce post. Je sais que je ne suis pas encore couché. J’ai quelques mots à vous dire. Ce soir, il n’est pas question de cuisine. Je suis allé au cinéma.
Le cinéma, quand j’étais étudiant, sans trop de moyens, c’était dans des petites salles qui puaient la poussière et les pieds, avec des sièges souvent inconfortables, défoncés, des places pas trop chères aux heures de réduc, et malgré cela, c’était une fois par semaine ou presque. Je voyais entre 40 et 55 films par an. Je voyais du très très bon, du très bon, du bon, du moins bon, du pas bon, du pas bon du tout. C’était la belle époque –jadis– quand Ma Tendre et moi n’avions pas toutes ces responsabilités qui nous incombent. Aujourd’hui, le cinéma, c’est quand on n’a pas la flemme d’y aller, c’est-à-dire 3 à 4 fois par an. Bien sûr, il y a la location de vidéos, que je regarde sur mon petit écran 17 pouces, j’y vois toujours autant de chefs d’œuvre et de merdes, mais ce n’est pas pareil. Aussi, quand nous devons choisir un film au cinéma, nous en débattons pendant des heures. Et là, nos goûts divergent !
Fait rare, il m’arrive de me retrouver en célibataire. Par chance, c’est cette semaine ; par chance, c’est ce lundi soir, jour de l’avant-première française (après sa diffusion à Cannes) du dernier film de Paul Greengrass (Bloody Sunday, 2002 ; La Mort dans la Peau, 2003) intitulé Vol 93 (titre original : United 93).
Vol 93. Ai-je besoin de résumer le scénario du film ? Il s’agit de la première réalisation cinématographique américaine sur les événements du 11 septembre 2001. Le film porte plus particulièrement sur le crash du vol United 93, détourné de sa trajectoire habituelle vers L.A. par des terroristes depuis l’aéroport de Newark, New Jersey, et qui s’écrase en plein champ à proximité de Shanksville, Pennsylvanie.
De cette tragédie, nous connaissons tout et rien. Tout, parce que les nombreux contacts établis entre les familles des passagers et des personnels de bord pendant la durée du vol permettent de connaître le parcours de chacun dans cet événement. Peu, parce que nous ignorons malgré tout ce qu’a été véritablement leur calvaire, achevé dans le sang et le sacrifice, parce que nous ignorons encore les véritables motivations personnelles des preneurs d’otages, qui avaient eux-mêmes amis, famille, femme, enfants. Le film de Paul Greengrass n’a pas la prétention d’apporter toutes les réponses aux questions que nous nous posons, mais il tache d’y répondre. Ce film est sans parti pris aucun et c’est ce qui en fait un bijou.
Vol 93. Quel film ! Quel film !... Je suis sorti de la salle la gorge nouée, les yeux explosés, les joues trempées, les mains rouges d’avoir trop applaudi, la voix éraillée. Oui, ce film est magnifique. Dur et émouvant. Moins un film qu’un docu-fiction –caméra à l’épaule– sans l’intervention de l’historien, du témoin, du journaliste a posteriori pour accompagner le récit des évènements. Ici, vous vivez les choses de l’intérieur. Imaginez…
Vous êtes dans un hôtel quelconque de banlieue, à Newark, New Jersey, vous partagez votre chambre avec ceux qui prendront le vol en otage tout à l’heure, vous angoissez avec eux, vous priez Dieu pour votre salut, vous êtes un terroriste. Vous appartenez à l’équipe du personnel de bord, vous vous préparez à accueillir les passagers. Vous êtes également un passager et vous attendez patiemment l’embarquement, vous discutez peut-être avec votre voisin, votre accompagnateur, vous ignorez que, parmi ceux qui vous entourent, certains feront du mal dans quelques minutes, puis vous embarquez, bon enfant, puis vous patientez, vous attendez que l’avion obtienne enfin son autorisation de décollage (il y a toujours beaucoup de trafic aérien au dessus de Newark à cette heure de pointe), puis vous décollez. Vous gérez également le trafic aérien sur la côte est des Etats-Unis, à Boston, à Newark, à New York, vous êtes contrôleur aérien, ou vous appartenez à l’équipe de la FAA (Federal Aviation Administration, équivalent américain de la DGAC en France), ou vous êtes militaire au sein de je ne sais plus quel QG, et vous vous apercevez que quelque chose cloche en ce début de matinée, qu’un avion, puis deux, puis trois, puis… ne répondent pas à vos appels répétés et échappent à votre contrôle ou disparaissent de votre écran au-dessus de New York. Et puis soudain, il y a les tours jumelles du WTC en flamme et eux, vos collègues – ceux qui sont à l’écran– ne semblent pas comprendre la gravité de la situation.
Mais vous, VOUS SAVEZ ! Vous, qui avez pénétré dans ce docu-fiction dès la première image, à la première seconde, vous qui avez assistez devant votre télévision ou l’oreille collée au poste de radio au 11 septembre ou, si ce n’est pas le cas, qui avez lu la presse mondiale aux lendemains des attaques terroristes, vous savez quel drame est en train de se dérouler sous vos yeux, vous en connaissez la fin. Alors, vous serrez les dents, vous priez, vous tremblez, vous pleurez, vous criez peut-être, vous accompagnez ces acteurs, qui tiennent si bien leur rôle (Quel hommage aux disparus !), dans leurs actes barbares, héroïques ou vains. Et quand le noir se fait dans la salle, quand la pénible conclusion défile à l'écran, après quelques secondes de silence, vous réalisez que vous êtes encore en vie par vous ne savez quel miracle… Alors, vous applaudissez le film à tout rompre !
Ce film est à voir ABSOLUMENT ! Je ne saurais trop le conseiller. Si je peux comprendre ceux et celles qui ne sauraient tolérer de telles âpres images, je ne comprendrais pas –et je ne ferais pas d’efforts pour– ceux ou celles qui prendraient le parti de décrier Vol 93, de crier au scandale, ou de déplorer le réalisme même quelque peu fictif du film. Que ceux et celles qui ne sont pas parés à revivre de si près la journée du 11 septembre 2001 s’abstiennent tout simplement.
Pour finir, sur cette parenthèse cinématographique, sachez qu’Oliver Stone sort le 20 septembre prochain sa vision des événements dans un film saisissant, World Trade Center, avec Nicolas Cage. J’ignore pourquoi –et j’espère sincèrement me tromper, car Oliver Stone est un très grand et talentueux réalisateur– je sens poindre le navet patriotique, ultra héroïque, le film facile. Des écueils que Vol 93 évite du début à la fin.
Il est vraiment très tard quand j’achève et publie ce post. Je sais que je ne suis pas encore levé toute à l'heure, mais j’avais quelques mots à vous dire. Ce soir, il n’était pas question de cuisine, mais de cinéma.
Bonne nuit !
7 graines et quelques miettes pour un cuicui affamé:
Alors là, tu n'as certainement pas envie de prendre l'avion après avoir vu ce film. Je ne vais pas souvent au cinéma mais là, tu m'as convaincu ! Cependant, je ne l'ai pas vu dans la grille horaire. Il n'est peut-être pas arrivé encore à Montréal, Québec ! Si près, si loin !!! Ici, il n'y en as que pour Pirate des Caraîbes.....
Merci d'avoir décrit ce film à vif, dans les quelques heures qui suivent. seulement ton récit en vaut la peine Tit !!!
Que tu ne parles pas de cuisine, c'est ton droit, tu peux bien parler de ce que tu veux sur ton blog, même de livres....et même avec les mini-redevances...si ça te chante hihihi
Et je crois que tu as raison pour Oliver Stone, ce ne pourra jamais être le filme que tu viens de décrire.
Moi, ce n,est pas que je me couche tard comme toi, mais ici, il est 20h00, l'heure de regarder nos blogs préférés (têteuse !!)
Ciao
Tu donnes envie de salles obscures, il faut que je vois si ça se donne à Bourges.
Merci pour ce post.
Je ne vais pas souvent au cinéma (pb de gardes d'enfants) mais tu me donnes envie d'aller voir ce film. J'ai vu qques extraits à la télé et argh, cela a l'air de prendre aux tripes. Pas facile de faire un film dont on connait la fin !
A travers ton billet, on ressent que tu as énorment aimé ce film... Je vais écouter des conseils avisés ...
j'ai vu quelques extraits et deja ca me tentait bien..
merci a toi.. en te lisant je pouvais ressentir.. tes cris.. tes larmes et tout le reste
merci
Et bien, je ne vais hélas que très rarement au cinéma... mais si il est un film que je dois aller voir, ce sera celui-ci! Très belle "critique", boulversante, qui prend aux tripes...
Bah, on est plus qu'une semaine plus tard, le film d'Oliver Stone vient de sortir au Canada. Un critique de radio-canada a dit qu'il n'avait ressenti aucune émotion en le regardant ! (contrairement à Vol93) Ce n'est même pas "patriotique" comme tu croyais, c'est "platte" selon le critique (Claude Deschênes)! Tu parles !
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