mardi 26 février 2008

Gelatam et Circences (De la gelée et des jeux)

En ces temps troublés, faut bien un peu de distraction. Alors, on s’amuse comme on peu : y’en a des qui cuisinent, y’en a des qui se taguent et se joutent à tour de bras. Bah moi, je cuisine, voilà ! Alors, on me tague, on me joute, c’est hypra-top-sympa, j’apprécie que vous pensiez à moi... Allons bon, tant pis, je cède, z’avez gagné. Mais seulement pour cette fois et que ça ne se reproduise pas, hein ! :)

Pour votre peine, parce que ce serait trop fastoche que je vous laisse comme ça avec rien d’autres que les réponses à vos questions, z’avez tout un tas de recettes de gelées, fruits de mes expériences, à vous taper d’abord, na ! Et pis, de temps en temps, y’aura un interlude pour vous distraire... On fait comme ça ?

Gelée d’eau de tiges de rhubarbe, vanille et zestes d’orange

Sur une idée de Michel Bras, que j’évoquais il y a peu, j’ai brodé librement. Ce dernier utilise l’eau de tiges de rhubarbe pour arroser un quatre-quarts moelleux à souhait. Je l’exploite différemment en la transformant en gelée aux saveurs délicates de rhubarbe et d’orange. A cette association, j’ajoute celle de la vanille, qui apporte à l’ensemble rondeur et douceur.

Ingrédients (pour 1 pot de 500 g)

3 tiges de rhubarbe ; 1 orange non traitée ; 1 gousse de vanille ; 250 g de sucre cristal ; 500 ml d’eau ; 1 CC rase d’agar-agar

Note : Temps de repos de 48h.

Marche à suivre

Lavez, épluchez et taillez en tronçons de 3 cm les tiges de rhubarbe. Lavez et essuyez l’orange, prélevez des zestes fins et pressez pour en récupérer le jus. Dans un grand bol, mettez la rhubarbe à infuser dans le jus d’orange et dans 500 ml d’eau fraîche, avec les zestes d’orange et la vanille coupée en deux dans le sens de la longueur. Couvrez le bol et réservez au frais pendant 48 heures.

Après repos, sortez l’infusion du réfrigérateur et filtrez cette eau dans une casserole. Réservez les zestes d’orange et la gousse de vanille. Réservez les tronçons de rhubarbe (vous la transformerez en compote en mettant à cuire les tronçons 5 minutes avec 25 g de sucre en poudre). Versez le sucre cristal dans la casserole et portez l’infusion sucrée à ébullition pendant 8 à 10 minutes. Ajoutez l’agar-agar mélangé à 1 CS de sucre cristal, ajoutez les zestes d’orange et la gousse de vanille, que vous aurez pressé pour en extraire les grains, et laissez bouillir pendant 5 minutes.

Mettez en pot. Laissez prendre dans un endroit frais et sec avant de consommer.

Premier Interlude : Dix association de saveurs

La si jolie Sha, croisée au détour d’un pique-nique parisien des plus célèbres, ET ma très chère Tantine, croisée cet été encore sous le chapiteau d’Aurillac, m’invitent toutes deux à un petit jeu que vous connaissez très certainement. Pour une fois, celui-là est pas bête du tout, tenez !

Et donc, j’associe volontiers :
- Blé noir et beurre demi-sel (comme une évidence !)
- Caramel et fleur de sel (pas mieux !)
- Fraise et poivre noir (systématique !)
- Banane et pavot (tiens, donc !)
- Coriandre et grenade (surprenant !)
- Huître et jus de carotte (et ouais, j’suis comme ça, moi !)
- Epices et chocolat (ô, damnation !)
- Pomme et gingembre (fastoche !)
- Rhum-raisin (encore plus fastoche !)
- Et la plus belle des associations : mon doigt dans le pot de crème de marron (et pas que !...)

Fin de l’interlude.

Gelée banane et pavot bleu

Pour cette recette, vous aurez besoin d’un extracteur de jus. Un extracteur de jus permet, sous l’effet de la vapeur utilisée pour la cuisson, de récupérer les sucs les plus délicats des fruits et autres légumes que vous mettrez à cuire. Si vous ne possédez pas d’extracteur de jus, un cuiseur vapeur électrique avec un bac ou une cuve récupérateur de jus (ex. Vitasaveur de Seb) fait parfaitement l’affaire. Le jus vous paraîtra cependant un peu plus dilué qu’avec un extracteur de jus.

Ingrédients (pour 1 pot de 500 g)

3 bananes ; 1 pomme ; ½ jus de citron ; 2 CS de pavot bleu ; 250 g de sucre cristal ; eau ; 1 CC rase d’agar-agar

Matériel spécial : 1 extracteur de jus

Marche à suivre

Epluchez les bananes et tailler-les en tronçons de 3 cm. Epluchez la pomme, retirez les pépins et le cœur, puis coupez en 8 quartiers. Pressez le jus du citron et réservez-le. Répartissez les fruits sur le fond du panier vapeur et mettez à cuire dans le récupérateur de jus pendant 1 heure.

Après cuisson, réservez les fruits (vous les transformerez en compote en les mixant ou en les écrasant à la fourchette dans un bol avec 25 g de sucre en poudre) et récupérez le jus de cuisson dans une casserole. Ajoutez le sucre cristal, le jus de citron, et portez à ébullition pendant 5 minutes. Ajoutez l’agar-agar mélangé à 1 CS de sucre cristal, ajoutez les grains de pavot et laissez bouillir pendant 5 minutes.

Mettez en pot. Laissez prendre dans un endroit frais et sec avant de consommer.

Gelée de cidre fermier

Voici une gelée absolument fabuleuse qui viendra orner vos crêpes à l’heure du goûter. Je la dévorais telle quelle à la Crêperie Courot à Pont-L’Abbé, il y a quelques années. L’idéal ? Une galette de blé noir, une grosse lichette de beurre demi-sel fondante, une cuillérée de compotée de pomme et... gelée de cidre à volonté !

Ingrédients (pour 1 pot de 500 g)

1 bouteille de 75 cl de cidre fermier brut ; 375 g de sucre cristal ; 1 CC rase d’agar-agar

Marche à suivre

Versez le cidre dans une casserole à bords hauts. Portez à ébullition, puis ajoutez le sucre cristal hors du feu. Mélangez et portez à ébullition une nouvelle fois pendant 5 minutes. Ajoutez l’agar-agar mélangé à 1 CS de sucre cristal et laissez bouillir pendant 5 minutes.

Mettez en pot. Laissez prendre dans un endroit frais et sec avant de consommer.

Second Interlude : Des tocs et des tics du Tit’

Bon, c’est décidément bien long ce billet... Pour vous divertir (et au demeurant pour faire plaisir à Natalia et Lili que j'aime bien), voici une liste non exhaustive de mes tocs et tics les plus absurdes. Entre autres :

- Tit’ adôôôre les accents circonflexes, sî bien qu’il auraît tendance à en mettre un peu partout. Parfois, un peu trop à son gout. Mieux, quand le môt employé en nécessîte un, il l’oubli, cet ane baté-là !... Ouais, je sais, TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT !

- Tit’ adôôôre parler de lui à la 3ème personne (Tiens donc, lui aussi ?!), il est très poli, il aime et admire son nombril perdu sous son gros tas de plume, il est beau et... Ouais, je sais, TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT !

- Je tape à deux doigts. Nan, nan, n’insistez pas, je ne vous dirais pas ce que je fais des huit autres... Sept autres, parce que j’en ai glissé déjà un dans le pot de marron... Ouais, je sais, TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT !

- Je voulais être comédien, mais ma femme me dit que je suis pas drôle. Je voulais être metteur-en-scène, mais ma femme me dit que je suis pas organisé. Je voulais être prof de français, mais ma femme me dit qu’elle me quitterait. Alors, je suis devenu le genre de professionnel dont personne ne sait ce qu’il fait et dont TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT !

- J’y plonge toujours le doigt pour goûter. Ouais, enfin, les doigts libres... Ouais, je sais, c’est dégueu, mais après tout, TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT !

- Je lis jamais les règles du jeu. Ceci explique peut-être pourquoi je les respecte pas... Ouais, je sais, TOUT-LE-MONDE-S’EN-FOUT de mes tics et de mes tocs, mais pisqu’on m’donne l’occasion de dire des conneries par deux fois, je vais pas me priver, hein, j’suis chez moi après tout !

Fin de l’interlude.

Gelée coco, vanille, rhum-raisin

A peine le temps d’écrire la recette, voilà que le pot est vide... Pfff, frustrant !

Ingrédients (pour 1 pot de +/- 500 g)

2 noix de coco fraîches ; 1 gousse de vanille de Madagascar ; 3 CS de raisins secs ; 3 CS de rhum brun ; +/- 150 ml d’eau ; 200 g de sucre cristal ; 1 CC rase d’agar-agar

Marche à suivre

Percez les noix de coco et récoltez leur eau. Filtrez cette eau dans une mousseline pour en retirer les impuretés. Fendez la gousse de vanille en deux dans le sens de la longueur et grattez pour en extraire les grains. Dans un bol, mettez à macérer les raisins secs avec le rhum. Râpez 25 g de noix de coco fraîche.

Dans une casserole à bords hauts, versez l’eau de coco, ajoutez plus ou moins 150 ml d’eau, versez le sucre cristal, la vanille et portez à ébullition pendant 5 minutes. Ajoutez la vanille et l’agar-agar mélangé à 1 CS de sucre cristal, et laissez bouillir pendant 5 minutes. En fin de cuisson, égouttez les raisins secs, puis versez dans la gelée avec la noix de coco râpée.

Mettez en pot. Laissez prendre dans un endroit frais et sec avant de consommer.

Gelée carotte et sumac

Très agréable en petites touches dans un yaourt, cette gelée surprend le palais par la saveur toute en rondeur de la carotte. Originalité garantie !

Ingrédients

3 carottes ; 1 pomme ; ½ jus de citron ; 1 CC de poudre de sumac ; 250 g de sucre cristal ; eau ; 1 CC rase d’agar-agar

Matériel spécial : 1 extracteur de jus

Marche à suivre
Epluchez les carottes et tailler-les en rondelles de 1 cm d’épaisseur. Epluchez la pomme, retirez les pépins et le cœur, puis coupez en 8 quartiers. Pressez le jus du citron et réservez-le. Répartissez les fruits sur le fond du panier vapeur et mettez à cuire dans le récupérateur de jus pendant 1 heure.

Après cuisson, retirez les fruits et récupérez le jus de cuisson dans une casserole. Ajoutez le sucre cristal, le jus de citron, et portez à ébullition pendant 5 minutes. Ajoutez l’agar-agar mélangé à 1 CS de sucre cristal, ajoutez le sumac en poudre et laissez bouillir pendant 5 minutes.

Mettez en pot. Laissez prendre dans un endroit frais et sec avant de consommer.

Voilà, nous y sommes. Puis-je enfin aller me coucher ? Doit y avoir des fautes, mais je n'en puis plus (tout comme Tintin)...

A bientôt,
Tit'

jeudi 14 février 2008

Ti zwézo en Ma’tinique* ou la nuit d'amour

(* L’oiseau en Martinique)

Cric ! Crac ! Quittons la Métropole où grouillent ces vilains métro et en nou mèt lé vwal koté Ma’tinique !

Cric ! Crac ! Je laisse mon plumage de gros dindon qui ronge son frein dans la capitale et je me transforme en un joli Tit'iri, qui le premier entonne sa ritournelle d’amour chaque matin quand tous dorment encore.

Cric ! Crac ! J’vous raconte des craques, j’suis pas parti me dorer la pilule sous les tropiques, ce serait trooooop beau, naaaaan, c’est rien qu’une blagounette entre collègues, comme qui dirait : sa ka fè di bien dè révé dè tanzantan !

Cric ! Crac ! Point de blablatage sans foin ni fondement, point de tergiversation intempestive, allons à l’essentiel, allons au cœur du cœur du problème qui nous occupe : bon mangé-la ou comment concocter en quelques gestes extrêmement simples l’une des plus belles recettes des Antilles.

Blaff tout doux de poiscaille sans écaille pour une nuit d’amour

I fo pou 4 moun :

4 darnes de poisson à chair blanche, tendre et fondante ; 2 citrons verts ; ½ zeste d’orange ; 4 clous de girofle ; 4 grains de poivre vert ; 1 litre d’eau ; 1 gousse d’ail ; 2 oignons ; 1 pincée de cannelle ; persil ; thym ; fleur de sel et poivre noir

Marche à suivre

J-2 : Je me connecte à Lastcocotteminute.com. Je dégote au plus tôt une place d’avion en partance pour la Martinique, en classe éco de préférence, histoire d’avoir encore quelques capitaux une fois sur place pour investir dans du matériel de pêche haut de gamme. Pas la peine de me charger. J’emporte le strict minimum : une paire de jeans pour le voyage, une ou deux culottes propres (c’est mieux et puis au besoin, je laverai sur place, avec la chaleur, ça sèche bien mieux que ma lavante-séchante Milleu), une paire de chaussettes uniquement pour ne pas geler des petons au retour en métropole, une chemisette colorée mais pas moche (on évitera la chemise version Antoine dans les atolls, parce que ça craint du boudin...), mes Havaianas de prédilection (on est fashion ou on ne l’est pas !), un gros pull (pour le retour bis), et pis surtout mon matos de plongée, masque, tuba, palme et maillot de bain. Pas la peine d’investir, je réutilise mon vieux maillot Quechua acheté l’été dernier pour mes vacances au Camping Les Flots Bleus*** à Saint-Tripouille-L’Océan. Je laisse mes produits de soin : ça voyage pas dans l’avion et pis, lavé ou pas lavé, je sentirai le fishy-fish un point c’est tout !

J-1 : Je me réveille, je me réveille, j’ai un avion à prendre, faut pas l’louper !... Kwa sa ?! Tanguy et Laverdure font grève ?! Les s*** ! Les ordures ! Les *** !

Jour J : J’sais pas comment j’ai fait, mais voilà que je me réveille tout à coup sur le tarmac de Fort-de-France en Ma’tinique. Tant pis si je souffre du décalage horaire, tant pis si la chaleur m’accable tout à coup à la descente de l’avion, y’a pas tan, je file dès mon arrivée acheter et monter mon matériel de pêche. Puis, je pars à la recherche d’un bateau, d’un canot, d’une barquette, peu importe, que je mènerai tant bien que mal à la rame là-bas, plus loin, au large, après les rouleaux qui s’abattent sur cette magnifique plage de sable blanc entourée de cocotiers où je marchais à l’instant. Pour parvenir à mes fins, c’est simple comme bonjou, je ne compte que sur ma bonne étoile et sur mon charme fou et je séduis une belle îlienne aux courbes généreuses et à la peau si délic(hocol)ate, jusqu’à ce qu’elle accepte de me prêter son navire contre la promesse d’un bon repas cuisiné par mes mains expertes.

Une fois en pleine mer, j’appâte le poisson : je lui chante une chanson douce que me chantait ma manman, je lui chante la , ses reflets d’argents sous la pluie dans ses golfes clairs, je lui chante l’amour, l’amour, l’amour, je lui chante tout ce que je veux pourvu que ça marche, pourvu que je le pêche, le poisson, et à la ligne de préférence ; j’évite ainsi les rets éradicateurs de Flipper and Co. Moi, je les aime bien les dauphins, et pis c’est romantique, alors pas touch’ !

Le poisson attrapé, je reviens vite sur la plage – avant la nuit tombée, surtout, car il serait dommage de finir dans la goule affamée d’un requin marteau… enfin, pas plus marteau que moi qui ai fait tant de kilomètres pour de si petits poissons, mais bon… ce n’est qu’une question de point de vue, hein ! – car ma doudou prêteuse qui me mate aux jumelles depuis le matin, depuis la plage, de peur que je me barre avec son affreux rafiot percé sans lui apporter pitance, commence à trépigner sévèrement sur le sable et jure qu’elle me fera zouké à sa manière, un gourdin de bois vert à peine dissimulé dans la main, si je ne me magne pas mon gros tchou plumé !

Dans la cahute de ma beauté tropicale, je prépare le poisson. Je demande à ma belle îlienne un petit coup de main, elle le fera avec mil plési. Cuisiner à quatre mains, c’est plus... comment dire ?... plus mieux ! J’évite cependant de rejouer pour la énième fois la scène du potier version Ghost car, avec du poisson, c’est franchement pas ce qu’il y a de plus... sexy.

Venons-en (enfin !) au fait... Comment préparer ce blaff ?

Laver le poisson, écailler sa peau si tendre. Avec un couteau à larder, ouvrir le poisson et l’évider. Les âmes sensibles auront demandé à leur poissonnier unique et préféré de s’en charger, mais moi, moi qui suis amoureux, j’suis un battant, j’ai traversé les mers et les océans pour en arriver là, alors j’vais pas flancher si prêt du but, alors rien ne me fait peur, alors j’ouvre, alors j’évide et... GLOUPS !... je prends soin de découper le poisson en darnes de 3 à 5 cm d’épaisseur. Rincer ensuite le poisson à l’eau claire et l’essuyer avec du papier absorbant. Réserver.

Préparer le bouillon. Dans une casserole, mélanger 1 litre d’eau avec les clous de girofle, le poivre vert, la cannelle, le thym, les oignons coupés en rondelles. Mettre à chauffer le boucan sous le bouillon et porter à ébullition. Laisser bouillir 30 min. Poivrer généreusement et saler à son goût.

Préchauffer le four à 210°C. Prélever les zestes d'orange. Déposer les darnes de poisson dans un grand plat en terre allant au four. Frotter généreusement le poisson avec un citron vert. Parsemer de zestes d'orange. Arroser avec le court-bouillon épicé non filtré. Enfourner pendant 15 à 20 min. En fin de cuisson, ajouter le jus du second citron, le persil lavé et ciselé et la gousse d'ail écrasée.

Servir immédiatement les darnes de poisson arrosées avec le bouillon parfumé. Accompagner avec du riz créole et des rondelles de banane plantain frites.

Et maintenant, à table !...

J’ai pris soin de créer une ambiance de rêve, romantique à souhait, sous la lumière de mille chandelles et torches plantées dans le sable, dont les flammes se balancent doucement sous le vent chaud qui nous enveloppe. J’attends, excité comme une puce sur le dos d’un chien, que ma belle îlienne se prépare pour notre première nuit d’amour pour ce premier rendez-vous galant. Après un ti zouk endiablé, après un ti sèk ou deux (ou trois, je sais plus bien, c'est traître ces trucs-là), nos estomacs crient famine, j’invite ma douce à passer à table et j’apporte le blaff encore fumant.

« 'Tention, doudou mwen, bagail la cho, cho, cho ! »

Ma belle nègzagonal porte une cuillérée à sa bouche et souffle et souffle et souffle. Elle l’engloutit, ferme les yeux et mâche délicatement. Je n’entends plus que ses bruits de succion, le souffle léger du vent dans les cocotiers, le disque de zouk qui se tait peu à peu comme pour lui laisser la parole. Je suis sur le qui-vive à guetter la moindre réaction. Elle rouvre des yeux plein de mille étoiles et dit :

« Hmmm ! Doudou, i bon memm ! »
« Vrai ? »
« Vrai, doudou mwen. On dirait celui de manman. »

Je suis aux anges !

Elle se lève, lascive, glisse vers moi, attrape mon visage pas rasé pas lavé entre ses deux mains douces qui sentent si bon la coco et dépose sur mes lèvres tremblantes un gros ti-bo plein d’amour et là, mwen, paf, je tombe dans les corossol !

« Eh, ti z’oreilles, sa ka maché ? »
« Euh… Mwen bien, mwen bien, pani problèm, doudou mwen ! »

Elle me sourit et dépose un nouveau ti-bo, puis un autre, un autre sur mes joues, mes oreilles, m’embrasse la moindre surface de peau. Je me sens défaillir, mon œil une fois de plus s’en retourne dire merde à l’autre, avant de rouler dans son orbite et que je m’écroule le nez dans la gamelle.

Pif ! Paf ! On me réveille, on m’agite. Ma belle amante me secoue comme un cocotier :

« Reviens à toi, ohlala, doudou, tiembè raid pas moli ! Vini pran an ti sèk-sèk, ça ira mieux après ! »

Pif ! Paf ! Aïe ! La belle image de ma doudou s’efface tout à coup, il fait tout noir, j’ai froid, p*** de rhum, il me monte au cervelet. Pif ! Paf ! Aïeuh ! Merdeuh ! Quoi encore ! Ce n’est plus la douce lumière des chandelles qui m’éclaire mais une lumière froide et électrique qui m’explose les pupilles. Elle est là, face à moi, folle de rage, sa mèche brune en bataille, sa main preste et leste prête à s’abattre une nouvelle fois sur mes joues endolories. Qui ? Non pas la nègzagonal qui hante mon rêve, mais ma doudou-zwézo à moi depuis quatorze ans, ma belle oiselle, mon épouse depuis bientôt dix ans, ma Nat’ à moi.

« MAIS !... MAIS !... Mais t’es complètement barré, mon pauvre, ça va pas chez toi desfois ! Il est quatre heures du mat, on se lève dans moins de deux heures, qu’est-ce que tu crois, que je vais réussir à dormir avec un type qui s’agite, qui ronchonne, qui crie, qui me saute dessus comme un sauvage en pleine nuit ?!... »

Vite, se réveiller, se secouer, réagir, trouver une parade, ne pas laisser la colère l’envahir, sinon je me retrouve sur le pallier à poil dans deux minutes.

« Euh... Ma belle, ma douce, ma tendre, Mon Unique, je... euh... Je suis désolé, je rêvais. Je rêvais de toi, ma belle, ma douce, ma tendre, Mon Unique, de toi et de tout le bonheur que j’éprouve chaque jour à tes côtés. Je... euh... »

Tout à coup, une idée de génie, z’allez voir, j’ouvre la table de nuit où je dissimule les cadeaux et j’en sors le paquet que je lui réservais. Je le lui tends, elle s’adoucit, émue, émue de fatigue peut-être, mais émue aux larmes tout de même, ce qui n'est pas rien, comprenant que je n’avais pas oublié... pas oublié, cette année.

« Bonne Saint Valentin, ma chérie ! »
Tit'

samedi 2 février 2008

Petits festins et desserts, Chapitre 1er

C’est une couverture, pour commencer, au détour du rayon cuisine de mon libraire, une couverture promesse de bonheurs qui attire, attire et attire inlassablement mon œil. Dans une composition colorée, pleine de fraîcheur et de pureté figurent un nom en lettres capitales, une ville, une région, un pays : BRAS – Laguiole – Aubrac – France. Je mémorise et repars sans l’ouvrage, alors sans le sou. Ce nom sur cette couverture m’obsède, je ne le connais pas. Aussitôt chez moi, je regarde sur la Toile pour en savoir un peu plus. Mon ignorance des grands noms de la restauration septentrionale me permet de découvrir un artiste, qui depuis ce jour anime mes rêves gourmands les plus fous. Bras n’en est pas à son premier coup de maître. Je découvre alors un autre ouvrage, plus ancien, dont le titre annonce Petits festins et desserts, la réunion en somme par les très belles éditions du Rouergue de deux carnets édités il y a de cela quelques années. Tout un programme. Je découvre aussi que l’ouvrage est de plus en plus difficile à trouver. En effet, j’écume vainement quelques grandes enseignes, avant de le découvrir par hasard là sur l’étale d’un libraire d’occasion parmi quelques pauvres romans de cap et d’épée presque flambant neuf. Petits festins et desserts. Feuilletons-le ensemble si vous voulez bien...

Dans ce genre de livre de cuisine, les mots font l’image. Pas de photographie ou si peu, aucune pour accompagner une recette. Quelques coups de crayons, toutefois, fréquents, pour signifier une manip, un montage. Pas anodins du tout, bien efficaces. Et puis des mots, des mots bien choisis, concis, qui se transforment devant vos yeux en véritables délices, en plaisirs sans fin qui s'en vont fouiller au plus profond de nos mémoires à la recherche de saveurs perdues, de savoir-faire anciens, qui rappellent nos grands-mères, qui rappellent l’enfance. Il y a quelque chose de l'ordre de la madeleine de Proust qui s'insinue dans ces pages. Alors, mon BRAS en main, je feuillette. Et sans changer aucun mot, je découvre cette compote au détour d’une page...


Compote de pommes miel-beurre

Ingrédients (pour 8 personnes)

800 g de pommes golden ; 40 g de sucre ; 40 g de miel ; 30 g de beurre ; 1 gousse de vanille ; quelques gouttes de jus de citron

Marche à suivre

« Eplucher les pommes, les couper en deux et ôter pépins et pédoncules. Par ailleurs, choisir un plat dans lequel on pourra placer les pommes debout, serrées les unes contre les autres. Caraméliser le sucre et le miel dans ce plat. Veiller à ne pas trop colorer le sucre qui donnerait un caramel amer. Laisser ensuite refroidir le caramel et y ajouter le beurre, la vanille et le jus de citron mouillé avec une cuillérée d’eau. Ranger alors les pommes par-dessus. Sur le feu, coupé par un diffuseur, poser le plat et laisser cuire à chaleur douce en le recouvrant. Dans un premier temps, les pommes rendent leur jus, puis elles s’imprègnent de beurre et de miel pour la meilleure des promesses. Lorsque les pommes sont bien tendres, découvrir le plat. Une lente évaporation concentre alors le jus dans les pommes. Lorsqu’il n’y a plus de jus et qu’une lente caramélisation s’effectue, éteindre le feu. Retirer les moitiés de pommes une à une délicatement, les ranger sans les déformer et les mettre de côté. »
Comme l’écrit Bras : « J’ai pris un malin plaisir à retrouver ce geste ancien de caramélisation qui était sorti de ma mémoire ! » Et moi donc ! Il ne s’imagine pas le plaisir de cette découverte !...

Note : A consommer tiède de préférence. Froid, le miel dominerait trop.

Bon appétit,

Tit'