mardi 15 juin 2010

Les cerises de Morangis

J’avais disparu. Hop, envolé le Oiseau ! J’avais laissé mes pots, mes marmites et ma gourmandise dans, je ne sais, quel état j’erre. Je vous abandonnais avec une promesse de retour très bientôt et l’hiver et ses frimas qui tardaient à partir refroidissaient mon enthousiasme. Le printemps est maintenant presque fané, alors que l’été peine à exister. Je vous néglige et je ne reviens que parce que j’ai encore la langue toute cramoisie d’un plaisir que je veux partager avec vous.

Dimanche, j’ai cueilli des cerises de Morangis. Certains diront « à Morangis », parce qu’il n’est pas d’espèce répertoriée, endémique ou connue sous cette appellation et parce que je les ai ramassées à Morangis. Cependant, je décrète que ces cerises sont belles et bien des cerises de Morangis, rapport au fait que je suis fin connaisseur de la chose, comme tout oiseau-bouffeur-de qui se respecte et qu'elles ont un goût unique, un goût de Morangis. Donc, dimanche, j’ai cueilli des cerises de Morangis.

Dimanche – pas celui-ci, mais peu importe, le temps est une notion toute relative –, j’ai ramassé quelques belles hampes de fleurs blanches de sureau noir de Longpont. Certains – les mêmes, des emmerdeurs pour sûr ! – diraient « à Longpont », parce qu’il n’est pas d’espèce de sureau noire endémique à Longpont qui pourrait lui donner son nom. Cependant, je décrète que ces fleurs étaient issues de deux beaux pieds de sureau de Longpont, rapport au fait que je dis rien mais j’en pense pas moins, je fais ce que je veux !...

Dimanche, en rentrant de Morangis à Longpont (et non l’inverse, sinon c’est pas possible), j’ai planté mes doigts dans la chair tendre de cette petite cerise juteuse et sucrée à souhait, pour en retirer le noyau, ce noyau qui trouvait si souvent le chemin de mon gosier autrefois, lorsque je passais mes après-midis dans le magnifique cerisier de ma marraine, rue de la Paix, les pieds bien calés sur l'avant-dernier barreau de l’échelle à me bâfrer de bigarreaux Napoléon qui resteront longtemps mes cerises préférées. De cette chair si belle et si sombre, j’en ai fait des confitures (Tiens, donc ?!) qui, mêlées au sirop de sureau de fraîche date, ont pris une ampleur en bouche assez incroyable. A moi la délicieuse confiture !...

Confiture aux cerises et au sirop de sureau

Allégée en sucre, cette confiture ne se garde pas éternellement. A consommer rapidement et à conserver au frais en attendant d’être dégustée. En même temps, je suis convaincu qu’il faudra aussi peu de temps pour la dévorer que de temps pour la préparer.

Ingrédients

500 g de chair de cerises sucrées et sombres ; 250 g de sucre roux ; 1 jus de citron ; 3 CS de sirop de sureau maison ; 1 CC d’agar-agar en poudre

Marche à suivre

Jour 1 – Lavez et essuyez les fruits. Coupez-les en deux et dénoyautez-les. Dans un grand bol en verre, mélangez les cerises, arrosez du jus du citron avec le sucre et les cuillères à soupe de sirop de sureau. Laissez macérer au frais pendant une heure, puis mélangez bien. Dans une casserole à bords hauts, versez la préparation et portez-la légèrement à ébullition. Coupez le feu. Réservez.

Jour 2 – Le lendemain, portez la préparation à ébullition. Avec un thermomètre à sucre, contrôlez la concentration du sirop à 105°C. Écumez. Une fois la température atteinte, ajoutez la poudre d’agar-agar mélangée à une cuillère de sucre, puis portez à petit bouillon pendant 2 minutes. Mélangez bien et versez dans des pots bien propres que vous retournerez une fois fermés pour stériliser « à l’anglaise ».

Oh, attendez, pas si vite, je ne vous ai pas raconté la fin de l’histoire !... Parce qu’il y a une histoire et que dans toute histoire, il doit y avoir une fin. Quoique. Là, je ne suis pas certain que celle-ci s’achève de sitôt...

Dimanche, je cueillais des cerises de Morangis et j’en faisais des confitures, mais...

Rapidement, j’ai regretté. J’ai vu le tableau d’ici : je n’en avais pas pris assez et cette merveille partirait vite, très vite. Pas d’autre choix : il fallait retourner à la cueillette ! Ce matin, ni une ni deux, je m’échappe jusqu’à Morangis, le panier sous le bras et je pénètre en catimini sur le terrain de l’heureux propriétaire de ces arbres chargés de fruits. Il a bien voulu me céder l'avant-veille à contrecœur quelques uns de ces bijoux, pas sûr qu’il accepte de sacrifier une fois de plus son bien à un oiseau aussi tordu que moi. Et pis, chemin faisant, je me dis qu’il en a bien assez, que tous les arbres ne sont pas encore mûrs, qu’il ne s’apercevra pas de la disparition de deux ou trois pauvres (kilos de) cerises. Après tout, les perruches s’en chargent volontiers à ma place et elles, on ne leur dit rien. J’étais à peine monté à l’échelle, la tête dans le feuillage comme on l’a dans les nuages quand on est tout heureux, et la bouche qui crachait les noyaux par salves, que je perçus un mouvement quelques mètres plus bas. Je vis alors s’avancer un mastodonte : mi homme mi-démon, la carrure impressionnante, la rage au coin de la bouche, le regard chargé d’éclairs rouge sang, l’animal paraissait prêt à en découdre avec le pillard de basse-cour que je suis. Moi, pas fol le oiseau, je me carapate vers le sommet de l’échelle, j’escalade, j’accroche une branche et me pose, juste le temps de voir disparaître l’escabeau et mon panier de cerises sous les invectives du pauvre homme que je dévalisais, à l'entendre. Tout tourneboulé de m’être fait ainsi pincer la main dans l’sac, comme un (oiseau) bleu, je tachais de me remettre vite de mes émotions pour trouver comment fuir.

Pendant ce temps, cet ours mal léché de propriétaire terrien (appelons-le Jean-Luc, car le prénom Jean-Luc sied bien aux ours d’autant plus quand ils sont mal léchés, propriétaires et terriens), a ouvert la grille, a sifflé vaguement avec ses doigts, et j’ai pu apercevoir débouler en trombes depuis l’autre côté du verger, un autre mastodonte, un canidé celui-là, qui s’est posté sous l’arbre, sans un aboiement ni un grognement, sans montrer les dents, mais avec un regard si perçant qu’il m’aurait transformé en pierre si j’avais osé le croiser et qui en disait suffisamment long sur ses intentions si j’entreprenais le moindre geste vers la porte de sortie. Malgré ma confusion et les plus plates excuses que je lançais à l’intention du Jean-Luc, elle – car le chien est une chienne – me guettait et n’en démordait pas !

Maintenant, j’aimerais bien pouvoir descendre, hein, mes loulous, hein, Jean-Luc, tu vas z’être sympathique. Rhooo, allons don', c’était rien qu’une petite blaguounette, quelques petites cerises de rien du tout et pis valààà, hinhin-hinhin-hinhin* !... [*RIRE JAUNE]

A très bientôt… enfin, si je m’en sors ! ;)
Tit'